Alors que la France fait face à une nouvelle vague de chaleur historique, la question de la climatisation revient sur toutes les lèvres. Si certains responsables politiques réclament un grand plan national pour équiper les bâtiments, la réalité sur le terrain est bien différente. Entre habitudes culturelles, contraintes économiques et préoccupations écologiques, la climatisation reste marginale dans l’Hexagone. Pourtant, les choses changent peu à peu.
Un équipement encore très inégal en France
Contrairement à d’autres pays industrialisés, la climatisation n’est pas encore une norme en France. Selon les dernières données de l’ADEME, seulement 25 % des foyers français possèdent un système de climatisation, un chiffre bien en dessous de ceux observés aux États-Unis (plus de 90 %), au Japon ou en Corée du Sud.
Dans les établissements scolaires, la situation est encore plus marquée : seulement 7 % des écoles sont climatisées. Ce faible taux d’équipement s’explique en partie par le passé climatique européen, longtemps tempéré, et par un mode de construction qui privilégiait l’isolation contre le froid, sans prévoir de solutions contre la chaleur.
Un rejet culturel… mais en évolution
Longtemps perçue comme un luxe ou une aberration écologique, la climatisation n’a pas toujours eu bonne presse en France. Une enquête menée en 2021 pour France Énergie révélait que trois quarts des Français ne souhaitaient pas installer ce type d’appareil chez eux. Parmi eux, 60 % évoquaient le coût, tandis que 40 % invoquaient l’impact environnemental.
Mais la réalité semble en train de changer. Les étés de plus en plus chauds et la multiplication des épisodes caniculaires poussent une partie de la population à revoir sa position. Entre 2016 et 2020, le taux d’équipement est passé de 16 % à 25 %. Et dans les régions du sud comme la Provence-Alpes-Côte d’Azur ou la Corse, près d’un logement sur deux est déjà équipé.
Le coût de la climatisation : un frein majeur
Installer une climatisation représente un investissement. En moyenne, il faut compter 100 € par m² pour un système fixe avec installation, soit plus de 7.000 € pour un appartement standard de 70 m². Un coût qui peut être dissuasif, surtout dans un contexte d’inflation généralisée.
Et pourtant, acheter une climatisation mobile à la dernière minute pendant une vague de chaleur peut revenir encore plus cher. Ces appareils consomment beaucoup d’électricité. Utilisé 24 heures sur 24, un climatiseur mobile peut coûter jusqu’à 60 € par jour en électricité. En 10 jours, cela représente 600 € de facture, pour une performance bien inférieure à celle d’un système fixe.
Un impact environnemental à ne pas négliger
Au-delà des coûts, la climatisation pose de vraies questions écologiques. Elle consomme de l’électricité, souvent produite à partir d’énergies fossiles, et émet du CO₂ et des gaz réfrigérants particulièrement nocifs. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la climatisation représente 3 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit autant que le secteur aérien.
Pourtant, certaines solutions permettent de limiter l’impact. Par exemple, régler son climatiseur à 24°C au lieu de 23°C permet de réduire la consommation jusqu’à 10 %. De plus, les modèles récents, notamment ceux utilisant la technologie Inverter, sont beaucoup plus efficaces et consomment moins que les anciens.
Vers une généralisation de la climatisation ?
Face à la multiplication des épisodes caniculaires, l’intérêt des Français pour la climatisation semble inévitablement croître. D’ailleurs, les ventes explosent dès que la température grimpe : selon une étude NielsenIQ relayée par LSA, le chiffre d’affaires des climatiseurs a bondi de 612 % entre le 8 et le 14 juin 2025. Les ventilateurs, eux, ont connu une hausse de 253 % sur la même période.
La région parisienne, longtemps réticente, voit elle aussi progresser la demande. De plus en plus de logements neufs intègrent désormais la climatisation dans leur conception. Le secteur tertiaire (bureaux, commerces, hôpitaux) reste mieux équipé, mais la tendance gagne aussi les particuliers.
Ce que l’avenir nous réserve
Les projections à l’horizon 2050 sont claires : la demande mondiale en climatisation va tripler, principalement à cause de l’équipement massif dans les pays en développement comme la Chine, l’Inde ou l’Indonésie. Cette croissance pourrait entraîner une baisse des coûts à l’échelle mondiale… mais aussi une pression accrue sur les réseaux électriques si des politiques d’efficacité énergétique ne sont pas mises en place.
Conclusion : climatiser oui, mais intelligemment
La France ne pourra pas échapper indéfiniment à la généralisation de la climatisation, surtout avec le réchauffement climatique. Mais cette évolution doit s’accompagner de choix responsables : appareils performants, installation bien pensée, isolation renforcée, et température modérée. Car climatiser sans surconsommer, c’est possible — et indispensable pour concilier confort et respect de l’environnement.